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Techniques de ventes : Et si valoriser le « bénéfice client » avait ses limites !

halifax consulting Publié par Halifax Consulting

Tous les vendeurs qui se sont un minimum formés aux techniques de vente savent qu’une bonne argumentation doit se terminer par la valorisation du bénéfice client.  Que la technique s’appelle APB – comme Avantage / Preuve / Bénéfice – ou CAB – comme Caractéristique/Avantage/Bénéfice- le principe est le même, il s’agit de valoriser ce que le client va tirer du service ou du produit qu’on est en train de lui vendre.
Et oui, tout ceci est parfaitement logique, car vos clients sont avant tout concernés par LEUR nombril, par LEURS préoccupations, par LEUR intérêt, par LEURS besoins.

Ainsi, vos clients n’achètent pas…

  • un CRM, mais une meilleure efficacité dans le travail des équipes,
  • un produit financier,  mais une retraite plus agréable
  • une formation commerciale,  mais une progression des résultats
  • une perceuse,  mais une qualité de trou…

Il est donc logique de bien se concentrer pour valoriser ce que le client gagne.
Voilà, tout ceci est parfaitement logique sauf qu’un lauréat du prix Nobel nous rappelle que la crainte de la perte est un levier beaucoup plus efficace que la perspective d’un gain… Cet empêcheur d’argumenter en rond, Daniel KAHNEMAN, a eu le prix Nobel en 2002 pour ses travaux sur le jugement et la prise de décision et il décrit ce phénomène dans son ouvrage « Système 1, Système 2 ».

Il nous y rappelle brillamment  la force incroyable de l’aversion à la perte dans nos prises de décision. Ainsi, nous sommes plus fortement incités à éviter les pertes qu’à obtenir des gains. En clair, la peur de perdre 100 euros est plus intense que l’espoir d’en gagner 150. L’auteur nous challenge et nous propose même de mesurer l’étendue de notre propre aversion à la perte en nous posant la question suivante : Quel est le plus petit gain qui, selon vous, correspondrait à une chance égale de perdre 100 euros ? Pour beaucoup de gens, la réponse est environ 200 euros, soit deux fois plus que la perte. Ce taux d’aversion à la perte a été estimé via différentes expériences et se situe entre 1,5 et 2,5.
Pour illustrer ce phénomène, l’auteur parle également de la notion du point de référence. Ce point de référence est parfois représenté par le statu quo, mais il peut aussi s’agir d’un objectif futur : Ne pas atteindre un objectif est une perte, le dépasser est un gain et l’aversion à l’échec est beaucoup plus forte que le désir de dépasser l’objectif.

Pour expliquer ce principe, Daniel KAHNEMAN cite une étude réalisée par deux économistes – Devin Pope et Maurice Schweitzer » qui ont estimé que le golf offrait un exemple parfait de point de référence… Ceux qui me connaissent un peu plus qu’au travers de ce blog, savent que je ne pouvais rester insensible à cet exemple… Voici leur propos :

Pour ceux qui ne le savent pas (personne n’est parfait), chaque trou sur un parcours de golf est associé à un nombre de coups : le Par. Le Par est donc le point de référence. Le but du jeu est de faire le moins de coups possible sur 18 trous. Jouer « dans le par » est une bonne performance, mais pas une performance exceptionnelle. Pour un golfeur, un birdie (c’est à dire un score d’un coup en dessous du par sur un trou) est un gain alors qu’un bogey (un coup au-dessus du par) est une perte. Les auteurs de l’étude ont donc déduit de l’aversion à la perte que les joueurs se donneraient plus de mal quand ils puttent pour le par (pour éviter un bogey) que lorsqu’ils puttent pour un birdie. Ils ont donc analysé plus de 2,5 millions de putts !… Conclusion, ils avaient raison. Que le putt soit facile ou non, les joueurs avaient plus de succès quand ils puttaient pour le par plutôt que pour un birdie. La différence dans le taux de succès est de 3,6% ! Pour un joueur professionnel, 3,6% de réussite supplémentaire peut avoir des conséquences énormes en matière  de revenus.

En fait, Daniel KAHNEMAN consacre près de 50 pages à ce seul phénomène de l’aversion aux pertes. C’est une caractéristique omniprésente dans les négociations, surtout dans les renégociations ou le point de référence (le contrat actuel) détermine d’emblée que ce qui sera gagné par l’un,  sera considéré comme une perte pour l’autre. Ceci rend d’autant plus difficile les accords.
Voilà, je vais en rester là pour cette rapide synthèse. Procurez vous le livre de KAHNEMAN, vous y découvrirez de nombreux biais psychologiques dans lesquels nous tombons très régulièrement.
Maintenant que nous savons que la majorité de nos clients sont susceptibles eux aussi d’être très sensibles au phénomène d’aversion à la perte, comment pouvons nous en tenir compte ?

Trois premières pistes de transposition

Revoir sa stratégie de vente

Bon nombre de commerciaux tentent de convaincre leur prospect en valorisant leur proposition de valeur. C’est normal. Nous aimons ce que nous faisons et la tentation est grande de faire partager notre « différence » par notre client. L’idée est donc de donner envie au client de renoncer à sa solution actuelle en lui faisant miroiter les bénéfices de l’offre proposée. Le problème, si l’on accepte les résultats des expériences sur l’aversion à la perte, c’est que cet exercice de conviction est très difficile. Il faut être un virtuose de l’argumentation pour convaincre un prospect qu’il peut obtenir deux fois plus de gains potentiels que de risques à vous suivre… (souvenez vous le taux d’aversion est estimé entre 1,5 et 2,5 selon les individus).
Ainsi, lorsque vous voulez convaincre quelqu’un d’acheter votre solution, peut-être sera-t-il plus judicieux de commencer par illustrer les pertes liées au statu quo. Quels sont les risques liés au maintien de la solution actuelle ? C’est lorsque le client comprend cela qu’il devient d’un seul coup plus sensible aux gains illustrés par votre solution. Avant de comprendre cela, il se pose surtout la question du risque (de la perte potentielle) à vous suivre.

Transformer le bénéfice en perte à éviter

Au moment de l’argumentation produit, pour reprendre l’exemple cité en début d’article, il serait donc peut être judicieux, d’alterner les argumentations « traditionnelles » telles que APB, qui valorisent les Bénéfices clients, avec des arguments qui valorisent les « pertes évitées ». Et si vous avez un doute, si vous n’osez pas prendre le risque de changer vos méthodes (à cause de votre propre aversion à la perte ?) alors vous pouvez faire du « double-impact » et vous appuyer sur les deux déclinaisons.
Essayons sur trois exemples :

  • Argument : vitesse
    • Bénéfice : vous allez gagner du temps
    • Perte à éviter : vous n’allez pas vous faire doubler pas vos concurrents.
  • Argument : contact privilégié avec un conseiller dédié
    • Bénéfice : vous avez un conseil personnalisé avec quelqu’un qui vous connaît
    • Perte à éviter : vous n’aurez pas à perdre du temps à réexpliquer régulièrement les mêmes choses.
  • Argument : prix
    • Bénéfice : Vous allez gagner de l’argent
    • Perte évitée : Vous n’allez pas dépenser de l’argent inutilement

A vous de tester et de prolonger la liste…

Ancrer ses négociations sur de bonnes bases

En négociation, ce qu’on appelle une ancre, c’est ce que Daniel KAHNEMAN appelle point de référence. Pour rappel, l’ancre est le premier chiffre cité dans une négociation. Ce chiffre est très important, car il conditionne la suite. Une ancre trop basse et votre rentabilité risquent de disparaître. Une ancre trop haute et c’est votre crédibilité qui est en péril… En revanche une ancre bien calculée sera un bon point de référence qui transformera vos futures concessions en pertes apparentes pour vous et en gains pour votre interlocuteur. Et comme les pertes sont douloureuses, la moindre des choses est de les compenser par des contreparties à la hauteur…
Voilà, j’espère que ces quelques considérations vous aideront à prendre un peu de recul sur la préparation de vos prochains entretiens.
Si vous avez d’autres idées de transposition, n’hésitez pas à les partager avec nous dans les commentaires.
….
Maintenant c’est à vous de jouer.


Allez, bon business à tous !

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