Management

Management Transversal : Et si le KAM était aussi un manager ?

halifax consulting Publié par Halifax Consulting

Manager une équipe transverse, ou manager en transversal, c’est diriger une équipe avec laquelle on n’a pas de lien hiérarchique  et avec laquelle on doit atteindre un résultat.
Pas si facile me direz-vous ? Et vous avez raison…
Mais les contraintes du business moderne – mondialisation, accélération du progrès technique, exigence accrue des clients, course à l’excellence et à l’innovation – ont poussé la plupart des grandes entreprises à introduire davantage de management transverse et projet et beaucoup l’ont fait avec succès.
Par exemple :

  • Toyota, en prenant le contre-pied du taylorisme et du fordisme, a allégé et formalisé les processus de production automobiles et les a confiés à des groupes de travail pluridisciplinaires, chacun devenant responsable du processus complet et de son succès.
  • Disney a imposé une démarche « Qualité Totale » pour toutes les activités et tous les processus débouchant sur un résultat pour le client, améliorant ainsi sa satisfaction
  • Dell délivre ses ordinateurs à partir des commandes client en un temps record, grâce à une excellente coordination entre tous les acteurs de la chaîne de production, de la prise de commande à la livraison.
  • Pour la transformation en profondeur et le redressement de Renault-Nissan, Carlos Ghosn a mis sur pied 9 équipes transverses travaillant sur les thèmes de « la croissance », « les achats », « la R&D », « la logistique »…

En fait, le management transverse répond à un besoin de décloisonnement et de réactivité pour les grandes entreprises. Il permet de rassembler spécifiquement des compétences et connaissances nécessaires pour la prise en charge d’un enjeu précis à un moment donné. Le management transversal challenge la logique de ‘silos’ du management vertical en facilitant la coopération entre collaborateurs venus d’horizons différents. Le management transverse a pour conséquence d’étendre la base de connaissances accessibles, de favoriser les synergies entre individus et d’améliorer la transmission de l’information.
Il ne remet pas en cause le management traditionnel, il s’appuie dessus et le complète.
Le management transverse peut d’ailleurs prendre différentes formes :

  • la gestion d’un projet regroupant différentes fonctions,
  • l’animation d’un groupe de travail pluridisciplinaire,
  • l’animation de réseaux, tels que des réseaux d’experts,
  • le pilotage de processus transverses à l’organisation, par exemple, ‘le contrôle qualité’
  • le management de fonctions support, comme les RH ou la finance,
  • la gestion des relations avec un ou des partenaires, fournisseurs ou clients (en général Clients Grands Comptes)…

Attardons-nous un instant sur ce dernier exemple…et car il fait le lien avec notre sujet de prédilection chez Halifax Consulting : la performance commerciale.
C’est dans les populations de KAM (Key Account Manager), ou Manager Grands Comptes en français, que l’on retrouve le plus l’application des techniques de management transverse. Le KAM est responsable de la gestion d’un compte client et de toutes les activités qui s’y rapportent.

Le KAM se confronte aux mêmes difficultés et freins que n’importe quel manager transverse

  • Il doit être un bon commercial, car il doit « vendre » à son équipe un objectif commun pour le compte et une stratégie associée, mais ça ne suffit pas, il doit aussi avoir les qualités d’un bon manager. Pourtant il n’est pas toujours formé à ce type de management et ne peut pas s’appuyer sur les « outils » traditionnels de management. Par exemple le recours au duo sanction/récompense pour motiver ses troupes est exclu. Assoir sa légitimité et son autorité dans ce contexte est plus compliqué.
  • En général, il ne choisit pas son équipe, elle lui est le plus souvent imposée.  Elle est souvent composée de profils très différents : il y a les commerciaux d’un côté, les fonctions supports (supply chain, finance, marketing) de l’autre, tous travaillant sur le même compte client. Ces personnes n’ont donc pas forcément les mêmes façons de travailler, ni les mêmes logiques et parfois pas la même culture d’entreprise. Et ils n’ont pour la plupart jamais travaillé ensemble ou pas l’habitude de travailler ensemble. Le « manager » aura donc ici un rôle clé de chef d’orchestre et de facilitateur
  • Enfin, l’équipe peut être dispersée physiquement et/ou géographiquement : dans le cas d’un Grand Compte international, il y a souvent à sa tête un GAM (Global Account Manager), qui gère une équipe internationale, dont les membres proviennent de filiales différentes. Aux barrières culturelles et linguistiques s’ajoute la gestion de la relation Global/Local : la réponse aux enjeux locaux grâce à la mise en place d’actions régionales/locales tout en gardant à l’esprit l’intérêt général et la stratégie globale.

Enfin, même si ça n’est pas toujours le cas pour le KAM, d’autres difficultés inhérentes à l’équipe transverse rendent la tâche de son manager plus délicate :

  • Les membres de l’équipe transverse restent en général partagés entre leur fonction ‘habituelle’ et l’équipe transverse : ils gardent leur fonction originale et donc leur management hiérarchique. Ils se retrouvent donc avec une double ligne de reporting : le manager hiérarchique et le leader de l’équipe transverse. Cette relation tripartite entre manager transverse, contributeur et manager hiérarchique du contributeur peut créer des tensions, notamment dans la gestion du temps et des priorités.
  • Les équipes transverses sont souvent provisoires, surtout dans le cas d’équipes projet. Ces collaborateurs sont là pour résoudre un problème, effectuer une tâche puis disparaissent… Le manager transverse dispose de peu de temps pour mobiliser les énergies, les impliquer et les faire travailler ensemble.

Alors? Selon vous, est-ce que ces challenges supplémentaires rendent le management transverse fondamentalement différent du management traditionnel ?
De notre côté, nous pensons que non, car les grands principes et clés du management hiérarchique efficace s’appliquent parfaitement. D’ailleurs si ces bons principes ne valaient que par la position hiérarchique on appellerait pas cela management mais exercice du pouvoir.
En tous cas, ce qui est certain, c’est que les particularités du management transverses compliquent parfois les choses. Voyons quelques principes pour nous aider.

Les facteurs clés de succès pour bien manager une équipe transversale

Pour lister ces conseils nous nous sommes inspirés de ce que les experts ont publié sur le sujet.  Par exemple les auteurs de ‘Business without boundaries’ et ‘Tools for Team leadership’ ainsi que Maurice Thévenet, professeur à l’ESSEC et au CNAM dans son papier sur le sujet.
Nous  avons complété ces travaux grâce à nos observations faites chez nos clients, tout spécialement dans le métier de KAM/GAM.
Afin d’illustrer chacun de ces principes avec « ce qu’il vaut mieux éviter », nous partageons également avec vous ici une partie des Credibility Killers du KAM. En effet, nous aidons régulièrement les équipes Grands Comptes à anticiper et effacer de nombreux Credibility Killers, ou « tueurs de crédibilité » qui anéantissent trop rapidement la confiance et le leadership nécessaires pour engager l’équipe. Alors que l’objectif client est en général relativement facile à transmettre au sein de l’organisation, c’est la façon de faire, le processus qui prêtent à la critique. Bien soigner ces processus est  souvent suffisant pour accélérer la performance et la cohésion de l’équipe transverse.

1er facteur clé de succès : Un chef d’équipe légitime et une  composition d’équipe équilibrée

L’équipe doit être dotée de profils compatibles, en termes d’expertises & de personnalités, d’où l’intérêt que le manager transverse soit nommé en premier et qu’il puisse constituer son équipe en privilégiant toujours une dynamique collective plutôt qu’individuelle… cela ne fera que renforcer sa légitimité de chef d’équipe (nous y reviendrons dans un instant). Les personnes sélectionnées doivent faire preuve de qualités humaines et interpersonnelles, empathie et intégrité à minima.
La taille de l’équipe devra également être un point de vigilance : elle doit permettre des débats constructifs et riches et ne peut donc pas être trop grande. Si elle a besoin d’être élargi au-delà de 10 ou 12 personnes, alors il est recommandé de créer un noyau dur ou un cœur d’équipe pour la prise de décisions.
Nous évoquions à l’instant la légitimité du chef d’équipe… bien sûr le profil et les compétences du manager transverse sont de première importance. Les ‘Credibility Killers’ du KAM aux yeux de son équipe seraient par exemple :

  • Une connaissance limitée du compte (circuit de décision, stratégie…)
  • Un manque de fiabilité des prévisions
  • Des lacunes en termes de technique commerciale (vente, négociation…)
  • Un grignotage systématique de la marge
  • Un engagement avec le compte sur des batailles perdues d’avance

 2ème facteur clé de succès : Un projet et un  cadre de travail commun à l’équipe

Il est important que l’équipe adhère à un projet commun et définisse ses propres règles de conduite. Le mieux est de clarifier d’abord les orientations stratégiques de l’équipe, puis d’établir les règles de travail associées (méthodes, normes…).
Il est également fortement recommandé de créer un espace de travail et d’échange – physique ou virtuel (type sharepoint) – et des outils propres à l’équipe. C’est d’autant plus important s’il s’agit d’une équipe éclatée géographiquement : les contacts physiques sont moins fréquents, il faut que les membres de l’équipe puissent travailler au sein d’un même espace.
Cette étape est fondamentale et préalable à la gestion de la relation global/local, surtout pour des équipes internationales. Comme évoqué plus haut dans cet article, les managers transverses doivent maîtriser le concept du ‘GloCal’ : Think Globally, Act Locally. Un des ‘Credibility Killers’ des KAMs, c’est de ne pas chercher à vendre de bénéfice local, de ne pas valoriser les actions régionales. Mais pour cela il faut d’abord avoir défini les grandes orientations stratégiques du compte. Nous conseillons de construire ensemble (le KAM et son équipe) et de mettre à jour régulièrement un outil tel que le Plan de Compte, qui donne la direction à suivre et sert de base à la définition des actions locales.

3ème facteur clé de succès : Un sentiment de responsabilité partagée

Le manager transverse doit favoriser la prise de décision collective, l’influence mutuelle et les débats d’idées constructifs afin de garantir la motivation & l’implication des membres de l’équipe. Même si le manager transverse se voit parfois dans l’obligation de « trancher », il ne faut pas que les décisions prises soient perçues comme unilatérales ou imposées et il est important que tous les membres de l’équipe aient donné leur point de vue.
Il y a plusieurs ‘Credibility Killers’ qui pour le KAM, illustrent ce principe : un comportement arrogant, de celui qui ne donne pas d’explications ou pas assez d’informations, et qui utilise trop souvent la fameuse technique des 5C (C’est Con mais C’est Comme Ça) ; mais également celui qui fait preuve de mauvaise foi ou qui ne respecte pas ses engagements. Vous pouvez également consulter l’ouvrage à l’humour grinçant de Frédéric Vendeuvre et Nicolas Caron, Démotiver à coup sûr pour en savoir plus…
Dans une équipe « Grands Comptes », c’est ce sentiment de responsabilité partagée qui lie les Ventes au Marketing… dans un monde idéal. Pour que l’équipe fonctionne bien, il faut que le marketing soit vraiment au service des ventes, en aidant par exemple les commerciaux à produire et formaliser leurs plans de compte.

4ème facteur clé de succès : Un sentiment de confiance

Le rôle du manager transverse est aussi  celui d’un facilitateur : assurer la transparence dans la communication et la circulation de l’information, faciliter le feedback au sein de l’équipe, gérer les situations de tension, et ce afin de créer un sentiment d’appartenance à l’équipe.
Ici, les ‘Credibility Killers’ sont : un manque de réactivité, de suivi, d’écoute  et  un partage d’information insuffisant de la part du KAM.
Dans les équipes  « grands comptes » que nous côtoyons, nous  constatons un bien meilleur fonctionnement quand elles sont dotées  d’un vrai ‘ »sponsor » dans l’entreprise, membre du Comité exécutif qui s’implique, met de l’huile dans les rouages lorsque c’est nécessaire et soutient le manager transverse. Il est illusoire d’attendre qu’un KAM ou un GAM se débrouille tout seul, si brillant soit-il, en toutes circonstances.  En outre, la présence d’un sponsor renforce l’importance donnée au projet (visibilité au plus haut-niveau) et la cohésion de l’équipe autour de ce projet.

5ème facteur clé de succès : Une gestion proactive des relations avec le reste de l’organisation

Du fait de la relation tripartite explicitée plus haut pour chacun des membres de l’équipe, le manager transverse devra garantir les bonnes relations avec l’extérieur et notamment les différents services contributeurs. Il s’agit de faire en sorte que son équipe ne soit pas coupée du reste de l’organisation. Les ressources – humaines et financières – devront être utilisées à bon escient et leur utilisation justifiée auprès des services contributeurs.  La communication  sur l’avancée du projet devra être régulière, transparente et les échanges avec l’extérieur récurrents.
Pour le KAM, le Credibility Killer majeur associé à ce principe est l’absence de gestion de projet solide… pas de compte-rendu, pas de points d’étapes, peu ou pas de partage d’informations…

Enfin, nous avons pu noter une dernière mission de management transverse du  KAM : Il se doit, à travers son équipe et dans toute l’organisation, de faire vivre la voix du client en interne : le connaitre oui, mais aussi le faire connaitre.

Allez, bon business à tous !


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