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Management Commercial : Comment faire parler les chiffres !

ludovic legac Publié par Ludovic Legac

En matière de management commercial, nous sommes tous conscients que manager uniquement par les chiffres est une hérésie.   Nous avons déjà abordé ce sujet qui rappelait l’importance d’équilibrer son attention et ses actions de suivi tant sur le « Pourquoi », que sur le « Comment » et le « Combien ».
D’où la formule :

Résultats = Pourquoi X Comment X Combien 

Évidemment, ne piloter que par les chiffres est aussi absurde que de les ignorer. Les chiffres, que ce soit des indicateurs d’activité ou de résultats, lorsqu’ils sont bien interprétés peuvent être de formidables indicateurs pour identifier rapidement les meilleures pistes de performance additionnelles. Le manager doit donc savoir les définir, les manier, les comprendre, les interpréter et les communiquer de façon pertinente.
Avant de vous proposer 3 conseils pour construire et suivre les bons indicateurs, je voudrais vous rappeler les 2 principaux pièges à éviter.

Deux pièges « classiques » à éviter dans la construction des indicateurs

1.Suivre des indicateurs incohérents avec la stratégie de l’entreprise !

Cette première affirmation peut vous paraître évidente, voire provocatrice, mais malheureusement, à l’heure où bon nombre d’entreprises se transforment et font évoluer leur stratégie, certaines oublient d’adapter leur pilotage.
Laissez-moi vous citer cet exemple que j’ai pu constater à l’occasion d’une mission récente chez un de nos clients.

Cette société a récemment fait évoluer son modèle avec des offres différentes et un objectif prioritaire de rentabilité. Donc la stratégie est vraiment différente. Le volume n’est plus la priorité. Ce qui compte c’est la marge dégagée par client et la mise en avant des nouvelles solutions digitales, moins onéreuses, mais à bien plus forte valeur ajoutée tant pour le fournisseur que pour son client. Voilà pour la théorie.

Maintenant, dans la pratique, je dois accompagner un commercial de cette société pour préparer une négociation de fin d’année avec un gros client.

En creusant un peu, je me rends compte que le chiffre d’affaires généré représente une part importante de celui du portefeuille, mais que la marge est négative !

Mon premier réflexe a donc été de dire au commercial : « cette négociation est assez simple pour toi, car au pire tu ne peux que gagner. Si le client n’accepte pas tes nouvelles conditions, tu dénonces le contrat et du même coup tu améliores la rentabilité de ton portefeuille… Trop facile ! « 

Sauf que je n’avais pas anticipé la réaction suivante : « Tu es bien gentil, mais si je le perds ce client, mes résultats en volume vont être dégradés et ma prime impactée. Donc, cette négociation est très compliquée pour moi, car le client veut baisser ses coûts, moi je veux conserver ma prime et les concurrents font la queue pour prendre notre place… »

Évidemment les bras m’en sont tombés… mais je ne pouvais pas lui en vouloir. Nous étions typiquement dans le cas d’une contradiction manifeste, entre l’évolution de la stratégie de l’entreprise en parfaite inadéquation avec l’évolution du système de pilotage.

Il est donc primordial de prendre conscience que les indicateurs mis à disposition des équipes commerciales – et notamment ceux qui sont liés aux incentives – ont un impact beaucoup plus important sur les actions terrain que les discours stratégiques de la Direction Générale.

2. Suivre trop de chiffres !

Eh oui, trop de chiffres tuent les chiffres !
Je suis sûr que vous voyez facilement ce que je veux dire. Je suis sûr que vous avez déjà vécu ce genre de choses…

  • Chaque semaine les mêmes tableaux…
  • Du rouge, de l’orange et du vert dans tous les sens…
  • Des polices de caractères de plus en plus petites pour conserver un tableau sur une page…

En fait avec ce genre de pratiques, le manager cherche surtout à se rassurer en se donnant l’impression de tout maîtriser. Rien ne lui échappe. Mais est-ce bien efficace ?
Un commercial normalement constitué ne pourra retenir que 2 ou 3 idées maximum d’actions à mettre en place pour être efficace face à ces clients et prospects. Lui infliger la lecture de dizaines de chiffres n’aura que des effets pervers :

  • ça brouille le discours, car plus il y a de chiffres moins on voit les chiffres importants
  • ça démotive, car il y aura toujours un indicateur qui ne sera pas au vert
  • ça donne autant de pistes alternatives pour « justifier » ses éventuelles contre-performances
  • ça « fatigue »… Que celui qui n’a pas eu un haut-le-cœur en voyant apparaître le 1er d’une longue série de slides surchargés me jette la première pierre…

Trois conseils pour créer et suivre les bons indicateurs.

1. Définir les bons indicateurs avec le réflexe de l’architecte…

Pour animer son ou ses équipes, le manager commercial doit :

  • Créer les bons indicateurs
  • Savoir les interpréter
  • En dégager les leviers d’action

J’imagine que vous êtes d’accord sur ces principes ? Vous êtes sûr ? Pardonnez- moi, je vous taquine…   En fait, je viens juste de vous illustrer la mauvaise façon de faire. En effet, ceci est la meilleure façon de fabriquer des indicateurs inadaptés…
Il est préférable, voire essentiel, de commencer par visualiser l’orientation que que l’on veut donner à son animation commerciale, définir les différents scénarios d’actions, avant de définir les indicateurs qui étayeront nos propos.

C’est exactement le même cheminement intellectuel que lors de la construction d’une maison. Si vous imaginez la vie que vous souhaitez y avoir, vous aurez d’autant plus de facilités à déterminer le plan idéal ! À l’inverse, partir du plan « brut » sans vous projeter dans votre maison, vous fera faire – à vous ou à votre architecte – des erreurs que vous regretterez rapidement : prises mal placées, dressing de l’opposé de votre chambre, escalier au milieu du salon…

Pour que vos tableaux de bord ne connaissent pas les mêmes écueils, je vous propose donc de les construire de la manière suivante :

  • D’abord, définir la ou les priorités de l’action commerciale que vous voulez communiquer,
  • Ensuite, déterminer les leviers d’actions et de motivations à développer au sein de votre équipe
  • Enfin, réfléchir aux indicateurs pertinents qui illustreront et renforceront vos propos.

Cette démarche aura, en outre, l’avantage de vous faire gagner beaucoup de temps sur l’interprétation des chiffres et sur les pistes d’actions à stimuler en priorité.

2. Valider la pertinence de l’indicateur avant de calculer l’inutile…

Pour vous montrer où je veux en venir, imaginons le contexte suivant.

  • Première hypothèse : Vous êtes mon directeur commercial et je suis à votre service pour construire tous les tableaux de bord que vous souhaitez, pour répondre à vos moindres désirs dans la construction d’indicateurs de suivi.
  • Deuxième hypothèse : Vous venez de rentrer dans mon bureau et vous me demandez : « Ludovic peux-tu me donner l’évolution de tel ratio sur les 3 derniers mois».
  • Imaginons maintenant que je vous réponde du tac au tac : « 12 % »

Si la scène se déroulait vraiment ainsi, je fais le pari que vous seriez très surpris et vous me demanderiez immédiatement comment diable ai-je pu calculer aussi vite un indicateur auquel vous venez à peine de réfléchir….
Et d’ailleurs vous seriez tellement étonné que je continuerais en vous demandant aussi sec : « Et si je te disais 55 ou 200 quel serait ton discours par rapport à 12 ? »
Là vous seriez encore surpris, peut-être même un peu énervé par mon insolence, mais j’espère aussi je l’espère, reconnaissant de la prise de conscience qui en découle… :

Un indicateur n’a sa place dans le pilotage que si le discours ou l’action qui peut découler de son interprétation dépend vraiment de sa valeur.

Je vous assure que vous gagnerez beaucoup de temps en validant un indicateur « à vide » avant le de mettre en place une « usine à gaz» pour produire un chiffre qui sera sans incidence sur l’action à venir !
Par exemple, connaître la répartition des nouveaux clients en fonction de l’origine du Lead ou du secteur d’activité n’a que peu d’intérêt lorsque le seul mot d’ordre est de dire aux commerciaux: développer votre portefeuille ! Ces indicateurs sont sans doute utiles pour préparer une prochaine politique commerciale ( donc à destination du marketing) mais absolument pas pour animer votre force commerciale à court terme car quel que soit le résultat, votre discours et l’évaluation de la performance  seront inchangés.
Moralité, si votre discours ne change pas quel que soit le niveau de l’indicateur en question, concentrez-vous sur des indicateurs à plus forte valeur ajoutée.

3. Préférer la tendance à la décimale !

Sans vouloir vexer personne, rappelons quand même que piloter l’activer commerciale, n’est pas d’une complexité telle qu’il faille calculer les chiffres à la quatrième décimale près.
Au-delà du chiffre en tant que tel, c’est surtout la tendance et son évolution dans le temps qui sont souvent les meilleurs indicateurs à suivre.
En raisonnant de cette manière, d’une part vous irez plus vite et d’autre part vous avez beaucoup plus de chance de créer des indicateurs compréhensibles qui vous permettront  de :

  • donner du sens en mettant les résultats à date en perspective par rapport à l’objectif final
  • suivre les progrès de chacun, quels que soient les niveaux initiaux en valeur absolue. Ceci permet de bien mieux stimuler la motivation de chacun, source première de performance.

Alors évidemment, se concentrer sur la tendance implique aussi de trouver la bonne rythmique.
En effet, tout l’art est de trouver le bon compromis entre qualités intrinsèques du chiffre et votre capacité à « le sortir » de manière régulière et au bon moment.

Imaginer un grand-prix de formule 1 durant lequel le staff du « paddock » ne communiquerait pas les temps de passage à chaque tour, mais choisirait aléatoirement de les donner aux coureurs quand bon lui semble. Même les meilleurs pilotes seraient complètement désorientés et auraient du mal à calibrer leurs efforts pour obtenir les meilleurs résultats.

Avec vos commerciaux, il faut raisonner de la même façon. Si vous ne livrez pas l’indicateur pertinent à intervalle régulier, alors ils perdront leurs repères et seront moins efficaces dans la durée.

Voilà, j’espère que ces quelques conseils vous permettront de mettre en place des tableaux de bord efficaces qui contribueront à encourager vos commerciaux par un suivi précis et stimulant des bons indicateurs d’activité.

Allez, bon business à vous !

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