vente et achat

Maîtrisez la Matrice de Krajlic, vous gagnerez en pertinence auprès des acheteurs

jérôme ollivier Publié par Jérôme Ollivier

Les entreprises performantes commercialement le savent bien : la vente est affaire d’adaptation. Adaptation de l’offre, du discours, des processus, de l’organisation aux attentes du client, à sa psychologie, à ses contraintes budgétaires et temporelles, à son organisation et système de décision, à sa chaine de valeur.  Nous fêtons cette année les quarante ans de cette ‘théorie de la contingence’ (*) de l’action commerciale et qui lui donne tout son charme, pour longtemps encore.

Nous mettons dans cet article un coup de projecteur sur la fonction achats, ses évolutions récentes et ses attentes particulières vis-à-vis des commerciaux…qui ainsi pourront mieux s’y adapter et surperformer la concurrence !

En effet dans la vente B2B, les acheteurs prennent de plus en plus d’importance. Une étude de 2020 (**) nous donne quelques chiffres : environ 80 % des achats hors frais de personnel transitent par la fonction achats. 75 % des acheteurs disent passer toujours plus de temps dans le processus d’achats et étudient finement les Retour sur Investissement. La fonction devient stratégique dans les entreprises et est représentée au Comex pour un tiers des entreprises. Les acheteurs travaillent en équipes multi disciplinaires, ont des canaux d’information spécifiques, reléguant au second rang les commerciaux, autrefois perçus comme une source d’informations privilégiée.

En vertu de notre précepte initial, savoir s’adapter aux attentes de la fonction achat en contexte B2B, en connaitre ses cadres de référence, parler son langage est devenu une compétence clé des commerciaux. A cet égard, connaitre la matrice de Krajlic est certainement un avantage pour gagner en pertinence dans le discours commercial.

La matrice de Krajlic… Kesako?

Peter Krajlic, directeur chez Mc Kinsey puis prof à l’INSEAD publie son modèle dans Harvard Business Review en 1983 (***). Depuis la ‘matrice de Krajlic’ s’est largement diffusée dans les formations pour acheteurs, en France comme à l’international et est largement utilisée dans les entreprises pour structurer la fonction achat, ses pratiques, son organisation.
 
Rappelons en ici l’essentiel : les produits et offres des fournisseurs se divisent en 4 catégories :

  1. les produits non critiques, abondants et impactant peu le « P&L » (compte de résultat),
  2. les produits ‘goulets d’étranglement’ à faible impact sur la contribution unitaire mais où le risque d’approvisionnement est significatif,
  3. les produits dits ‘leviers’ fortement générateurs de valeur mais peu risqués au plan de leur approvisionnement et enfin
  4. les produits stratégiques, fortement contributeurs mais avec un risque élevé d’approvisionnement, soit en raison de « switching costs » (coûts de transfert vers un autre fournisseur) élevés’ ou de rareté de l’offre.
Crédit photo © DR

La matrice de Krajlic 

Quel usage les acheteurs font-ils de la matrice de Kraljic ?
 
Pour la première catégorie, celle des produits non-critiques, les acheteurs mettent l’accent sur le prix et préfèrent une approche transactionnelle à une approche relationnelle, s’appuyant sur des plateformes de e-procurement par exemple. Les commerciaux doivent ici s’assurer de l’accessibilité de leur offre sur ces différentes plateformes et faciliter les transactions digitalisées et sécurisées. Attention, les visites directes sont parfois malvenues : ‘ je n’attends pas qu’un fournisseur vienne me voir toutes les semaines (…), je préfère qu’il déduise le coût de cette visite de ma facture’ s’exclame un acteur de l’industrie métallurgique.
 
Sur les produits ‘goulets d’étranglement’, la tendance est à l’intégration verticale pour réduire le risque de rupture. Les commerciaux doivent ici rassurer sur la capacité à délivrer sur la durée, insister sur leur performance interne, les audits externes ou les plans de contingence et de gestion des risques pour le client. Certains clients prennent les devants : ‘nous organisons des ateliers chez nos fournisseurs, nous pouvons ainsi à la fois fiabiliser nos approvisionnements et partager les gains de productivité’  explique un fabricant de pièces pour l’aviation.
 
Sur le quadrant des produits stratégiques, l’acheteur se trouve dans une logique de coopération et de relation à forte intensité. Il sera en particulier très sensible à la capacité du fournisseur à innover pour lui permettre de maintenir ou développer son avantage concurrentiel. Il est prêt à payer un premium pour cela. ‘Nous sommes prêts à payer un prix plus élevé à nos fournisseurs stratégiques. C’est ainsi qu’ils nous choisiront en premier pour proposer leurs innovations’ déclare un acteur des télécoms.
 
Enfin pour les produits leviers, les acheteurs raisonnent en termes de Total Cost of Ownership (TCO) intégrant toutes les phases et composantes du parcours d’achat même s’ils concèdent des difficultés pour l’estimer avec fiabilité. 

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Quelles conséquences pour les commerciaux ? 

Les acheteurs sont plutôt sévères: en effet la perception qu’ils ont des vendeurs est globalement mauvaise, car ces derniers connaissent mal la fonction,  ne sont pas centrés sur leurs attentes, voire cherchent à les éviter !

Pourtant le concept de « consumer centricity » ne date pas d’hier. Peter Drucker a montré depuis près de soixante ans que les entreprises centrées sur leurs clients réussissent mieux que les autres et ont plusieurs caractéristiques distinctives : comprendre les attentes des clients, montrer en quoi leur offre y répond, privilégier la relation, être organisée en fonction des segments clients, viser la fidélisation, développer des métriques autour de la satisfaction, du « net promoter score », de la valeur d’un client sur toute sa durée de vie.
Ces préceptes, rabachés dans les écoles de commerce sont pourtant loin d’être effectivement mis en application. Une récente rapport de Forrester 2020 (***) montre que seulement 47% des entreprises déclarent que les besoins clients déterminent les stratégies commerciales, 40 %  priorisent les attentes clients vs la promotion de leurs produits, 36% s’organisent autour de segment clients.

Il y a donc un espace à saisir pour les commerciaux. Il passe comme souvent, par l’acquisition de connaissances mais surtout par leur mise en pratique.
La notion de customer-centricity en B2B passe par la prise en compte de la fonction achats, qui ne se résume pas, loin s’en faut à celle d’un cost-killer cherchant à mesurer sa performance à la seule aune des économies réalisées sur le prix unitaire.   Les ‘achats’ ne sont  certes pas les seuls impliqués dans le processus, mais ils ont un rôle croissant, souvent stratégique, et un cadre de référence structurant et populaire : la matrice de Kraljic.

Les 3 conseils pratiques que nous suggérons sont les suivants :

  1. Repérer le quadrant de Krajlic sur lequel se trouve l’offre commercialisée.
  2. Lister les attentes clés de la fonction achats en fonction du quadrant.
  3. Structurer son argumentation autour de points forts pertinents pour l’acheteur professionnel : la fluidité et la fiabilité des transactions, la qualité des processus internes et les références en la matière, la capacité à être innovants, le TCO.

 
Gardons finalement à l’esprit que, contrairement aux idées reçues, l’acheteur est intéressé par bien d’autres sujets que le simple prix de vente !

Bibliographie * Weitz, 1981. ‘Effectiveness in Sales Interactions : A Contingency Framework.’ Journal of Marketing
** Paesbrugghe, Rangarajan, Hochstein, Sharma, 2020. ‘Evaluation of Salespeople by the Purchasing Function : Implications for the Evolving Role of Salespeople’. Journal of Personal Selling & Sales Management.
*** Kraljic, 1983. ‘Purchasing Must Become Supply Management’. Harvard Business Review.
**** Wizdo, 2020. ‘B2B Marketing Should Organize Around the Customer in 2020’. Forrestor Reports.


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